Coenonympha tullia (O.F. Müller, 1764)

Les cartes de distribution publiées affichent pour notre région une image optimiste en décalage significatif vis-à-vis d’une situation en réalité bien plus précaire. Aujourd’hui, le papillon est en effet au bord de l’extinction partout, de nombreuses populations ayant disparu ou s’étant effondrées, à tel point qu’il devient extrêmement difficile d’en rencontrer dans les stations où il était autrefois abondant. Cette forte chute des densités s’observe surtout sur les marges de son aire de distribution, sans doute en lien avec le morcellement très important de ses habitats. En Franche-Comté, C. tullia est beaucoup moins commun qu’autrefois, mais se maintient dans certaines tourbières ou prairies para-tourbeuses au-dessus de 800 m d’altitude. Il semble avoir récemment disparu de Haute-Saône.

Le Fadet des tourbières est une espèce hygrophile et tyrphophile, volant exclusivement dans les prairies tourbeuses à Linaigrette (réputée plante-hôte de la chenille), donc en milieux froids, indifférente à la nature du sous-sol.

Selon un schéma classique, par ailleurs valable pour bien d’autres espèces menacées, cette régression a commencé dans les stations périphériques. Cloisonnées dans les stations-réservoirs les plus vastes, les dernières populations résistent très difficilement à de nouvelles perturbations, et en particulier aux modifications du régime hydrologique entraînant une baisse du niveau d’eau dans les tourbières (plantation, drainage, réchauffement climatique global…). En Franche-Comté, l’altitude plus élevée et la nature des complexes tourbeux ont certainement contribué à un meilleur maintien, mais cette tendance à la régression s’observe également, surtout dans les stations isolées. Les populations sous-vosgiennes, enclavées dans un tissu forestier dense, toutes situées en dessous de 800 m, relèvent de ce cas de figure, et l’observation des derniers individus commence à dater, malgré des recherches ciblées. La survie du Fadet des tourbières passe nécessairement par la conservation du régime hydrologique typique des tourbières, en favorisant le maintien de zones ouvertes à Linaigrette. Les plantations de résineux et les opérations de drainage sont en ce sens extrêmement néfastes. Une approche visant à conserver les continuités écologiques est de plus fondamentale et indispensable. Au vu de sa situation actuelle, il est probable que le statut de ce papillon évoluera de manière négative dans les années futures, tant l’inquiétant processus de déclin semble irrévocable.

Essayan R., Jugan D., Mora F. & Ruffoni A. (coord.) 2013. Atlas des papillons de jour de Bourgogne et de Franche-Comté (Rhopalocères et Zygènes). Rev. Sci. Bourgogne-Nature Hors-série 13. 494 p.