Chazara briseis (Linnaeus, 1764)

L’Hermite est une espèce holoméditerranéenne des milieux ouverts réputée banale dans les années 1950 en Franche-Comté, notamment sur les côtes sèches près de Lons-le-Saunier. Dans les années 1990, pourtant, elle ne subsistait plus qu’en une seule station, cependant bien fournie, au-dessus de Vesoul (Haute-Saône). L’effondrement de la population vésulienne est constaté à partir de 1994. La disparition brutale de l’Hermite, alors que les habitats n’ont guère varié en un court laps de temps, suggère d’autres facteurs additionnels et fatals : appauvrissement génétique des isolats par manque de brassage, modification létale de la constitution des Poacées nourricières par excès de stockage de dérivés ammoniaqués (oxydes d’azote apportés par les pluies), effets de traitements pesticides aériens (sur vignes) ?

L’Hermite est une espèce xéro-thermophile adaptée aux pelouses calcaires rases et rocailleuses. L’abandon des zones de pâturage ovin en plaine et la luxuriance des peuplements de graminées sociales qui s’ensuit, ainsi que l’embroussaillement de ses habitats, expliquent en partie ce déclin impressionnant. Le maintien de ce papillon est indissociablement lié aux faciès écorchés des pelouses calcaricoles xéro-thermophiles hébergeant diverses Poacées adaptées aux sols maigres et secs, seules plantes consommées par sa chenille. C. briseis aime à se poser sur les pierres, orienté face au soleil, évitant ainsi l’hyperthermie et projetant de la sorte une ombre minimum, ce qui lui procure une relative échappatoire face à ses prédateurs. Très peu actif, il ne s’envole qu’au dernier moment, au ras du sol, pour se poser quelques mètres plus loin. La larve se nourrit de petites Graminées, notamment de Fétuques.

L’Hermite est très sensible à la structure végétale et évite les strates herbacées trop hautes et l’embroussaillement. Globalement, la régression des pelouses sèches rocailleuses par intensification agricole (fertilisation, passage du casse-cailloux…), urbanisation ou abandon (enfrichement non contrôlé), contribue au fort déclin du papillon. Les pollutions atmosphériques (retombées azotées) sont par ailleurs soupçonnées d’être à l’origine de désordres physiologiques lors du développement larvaire. L’isolement extrême des populations restantes ne fait qu’aggraver la situation dramatique de l’espèce. À souligner que la dernière station connue en Franche-Comté a été sérieusement endommagée par l’extension d’un aérodrome et d’un terrain de motocross. La mise en place d’une gestion ovine ou bovine s’avère indispensable pour le maintien de son unique station emblématique contemporaine, avec suivi conservatoire et quitus scientifique.

Essayan R., Jugan D., Mora F. & Ruffoni A. (coord.) 2013. Atlas des papillons de jour de Bourgogne et de Franche-Comté (Rhopalocères et Zygènes). Rev. Sci. Bourgogne-Nature Hors-série 13. 494 p.