Conservation ex situ d'espèces végétales menacées de la LGV Rhin-Rhône
Bénéficiant d'un financement de la part de SNCF Réseau au titre du programme des mesures supplémentaires pour l'environnement, ce projet d’une durée de trois ans a pour but de constituer une banque séminale pour des espèces végétales rares et menacées de disparition en vue de permettre des projets de restauration, de renforcement ou de réintroduction de ces espèces dans des milieux naturels.
Conserver des semences d’espèces végétales menacées pour l’avenir
Parmi les missions des CBN figure la « conservation ex situ de matériel végétal et fongique, notamment à travers la gestion de collections conservatoires et de banques de graines et autres diaspores ».
La constitution d’une banque de semences est un outil majeur de conservation ex situ pour le végétal. Elle fait appel à un savoir-faire et des techniques rigoureuses, de la collecte des semences dans la nature à leur mise en congélation pour conserver leur viabilité à moyen et long terme, en passant par la réalisation de tests de germination pour vérifier la viabilité de ces graines à toutes les étapes du processus. En effet, pour que ces graines puissent alimenter des projets de réintroduction, de renforcement ou de restauration, leur bon état est une condition indispensable.
En 2008, le Conservatoire s’est doté des premières infrastructures nécessaires pour constituer une banque séminale. Pour ce faire, du matériel dédié a été acquis (congélateur, réfrigérateur, étuve réfrigérée, dessiccateur, etc.) et des récoltes de semences d’espèces végétales essentiellement soumises à un plan de conservation régional ou national ont été réalisées.
En répondant à l’appel à projets complémentaire de SNCF Réseau en 2021, le Conservatoire a souhaité profiter de cette opportunité pour développer son expérience dans le domaine et pour acquérir de nouveaux matériels nécessaires et plus performants, comme :
- une trieuse de semences par colonne à air, qui nous permettra de séparer facilement les semences des débris lors du nettoyage ;
- un nouveau dessiccateur, servant à abaisser le taux d’humidité́ des semences afin d’augmenter leur longévité́ et de permettre une congélation sans dommage ;
- deux nouveaux incubateurs réfrigérés qui vont nous permettre d’effectuer des tests de germination dans des conditions contrôlées. Les conditions de germination n’étant pas identiques pour toutes les espèces, cet achat nous permettra d’effectuer plusieurs tests en parallèle.
- un congélateur pour la conservation des semences.
Concrètement, il s’agit aussi de participer à la sauvegarde de la biodiversité végétale présente au sein des sous-unités hydrographiques directement impactées par le tracé LGV. En effet, la constitution d’une banque séminale des espèces végétales les plus menacées de ce territoire rend possible la culture de leurs semences ou de leurs spores.
À l’avenir, des plants pourraient ainsi être produits, permettant d’envisager l’amélioration de l’état de conservation des populations affaiblies (en effectif ou génétiquement) dans la nature. Il pourrait s’agir de renforcer, avec ces plants, les populations existantes, de recréer des populations disparues, voire de créer de nouvelles populations permettant de connecter des populations trop isolées et de réactiver ainsi les flux de gènes.
Enfin, en termes de connaissance, les manipulations de semences prévues vont permettre de produire des données et des informations utiles à la maîtrise de la conservation à long terme des espèces concernées. Celles-ci seront susceptibles d’être partagées au sein du réseau des Conservatoires botaniques nationaux notamment.
Contours du projet
Les récoltes portent sur une vingtaines de stations d’espèces menacées et parfois protégées en Franche-Comté, situées au sein des sous-bassins versants traversés par la LGV Rhin-Rhône, depuis le Jura jusqu’au Territoire de Belfort.
Les habitats de ces espèces sont souvent d’intérêt patrimonial (régional, communautaire) ou vulnérables, puisqu’il s’agit de pelouses sèches, de prairies humides, de prairies et de forêts alluviales, de forêts marécageuses, de forêts mésophiles, de falaises et d’étangs.
Ainsi, la quinzaine d’espèces concernées, représentées dans plusieurs stations pour certaines, se répartit au sein d’habitat variés.
Des espèces de forêts et de lisières forestières
- L’adénocarpe de Lainz (Adenocarpus complicatus subsp. parvifolius (DC.) García Adá, G.López & P.Vargas)
- L’agripaume cardiaque (Leonurus cardiaca L.)
- Le dryoptéris à crêtes (Dryopteris cristata (L.) A.Gray)
- L’épilobe à feuilles lancéolées (Epilobium lanceolatum Sebast. & Mauri)
Des espèces d’étangs, de bords de rivières, de marais et de prairies inondables
- La lindernie couchée ('Lindernia procumbens (Krock.) Philcox)
- La grande douve (Ranunculus lingua L.)
- La nivéole d’été (Leucojum aestivum L.)
- La stellaire des marais (Stellaria palustris Hoffm.)
Des espèces de pelouses et de tonsures, de prairies maigres et de lisières sèches
- l'aphane à petits fruits (Aphanes australis Rydb.)
- Le caucalis à grandes fleurs (Orlaya grandiflora (L.) Hoffm.),
- Le conopode dénudé (Conopodium majus subsp. majus (Gouan) Loret)
- Le grand polycnème (Polycnemum majus A.Braun)
- Le lin de Léo (Linum leonii F.W.Schultz)
- L’orobanche de Bartling (Orobanche bartlingii Griseb.)
- La grande orobanche (Orobanche elatior Sutton)
Une espèce de parois et de corniches
- La primevère à oreillettes (Primula lutea Vill.)
Certaines de ces espèces ne sont présentes en Franche-Comté que dans l’aire du tracé LGV Rhin-Rhône, comme l’adénocarpe de Lainz, le caucalis à grandes fleurs et le lin de Léo.
Processus de conservation
Au laboratoire, un numéro d’accession est attribué à chaque lot de semences, correspondant à la récolte d’une espèce dans une station à une date précise. Celui-ci permettra une traçabilité des semences depuis leur récolte jusqu’à l’éventuelle production de plants.
Les semences doivent être séparées des fruits et nettoyées de toutes impuretés, puis elles sont pesées et comptabilisées. Elles sont ensuite mises en dessication jusqu’à atteindre un taux d’humidité d’environ 15%, puis pesées de nouveau.
Selon la quantité de semences disponibles par accession, un ou plusieurs lots de graines sont constitués. Une partie de ces semences est soumise à un test de germination, permettant de connaître le potentiel de germination des semences avant que toutes ne soient conservées au froid.
Enfin, tous les lots sont conditionnés en flacons de verre puis en sachets scellés pour être stockés à -22°C. Selon un pas de temps défini, un lot de ces semences sera régulièrement sorti pour être testé de nouveau, afin d’évaluer la qualité du processus de conservation.
Bilan de la premiere année de récolte et perspectives pour les deux années à venir
Les recherches stationnelles ont déjà permis de conclure à la disparition, dans le territoire du programme, de deux espèces prévues : la potentille étalée (Potentilla supina L.) et l’œillet à delta (Dianthus deltoides L.). Leurs habitats ont été détruits récemment.
Par ailleurs, la grande douve n’a pas été retrouvée pour l’instant dans ses deux stations connues. D’autres stations n’ont pas pu faire l’objet d’une récolte cette année, du fait notamment d’une fauche précoce des prairies accueillant les plantes recherchées. Ces constats confirment l’intérêt d’une mise en banque de semences pour les espèces menacées.
Ailleurs, la récolte de semences a été rendue compliquée par d’autres phénomènes, tels que :
- la petite taille et la relative discrétion de certaines espèces, comme l’aphane à petits fruits ;
- des difficultés d’accès à des stations d’espèces, en cas par exemple de végétations inextricables de marais et de bords de cours d’eau lors de la période de fructification des espèces recherchées, ou de zones escarpées. L’association d’escalade USB MONTAGNE (Baume-les-Dames 25) nous a permis de sécuriser la récolte de la primevère à oreillettes en contexte rupestre.
Lorsque cela a été possible, deux récoltes ont été effectuées sur une même station à des dates différentes afin d’augmenter les chances d’obtenir des semences avec un bon pouvoir germinatif. Les tests de germination à venir nous permettront de comparer les lots et d’orienter nos choix quant aux périodes de récolte au cours des prochaines années.
De plus, l’expérience acquise sur le terrain nous permet déjà de préciser les périodes propices aux récoltes et d’envisager, pour certains taxons, des processus à mettre en place au stade de floraison pour faciliter la localisation des plants lors de la fructification et la récupération des semences matures avant qu’elles ne se dispersent : pose de repères (jalonnettes) sur les plants sélectionnés pour la récolte, ensachage des fruits en cours de maturation, etc.
Aussi, des contacts devront également être établis avec les gestionnaires (agriculteurs en particulier) de certaines stations afin de garantir le maintien d’une partie des populations d’espèces jusqu’à leur fructification.
Evenements
Ateliers-découverte des projets retenus dans le cadre de l'appel à projet
Le jeudi 23 février 2023, à la Maison de l'environnement de Bourgogne-Franche-Comté, notre projet dédiée à la conservation de la flore ex situ était à l'honneur, aux côtés de 3 autres projets de nos collègues de la LPO Bourgogne-Franche-Comté et de France Nature Environnement Bourgogne Franche-Comté, dans le cadre des ateliers de découverte des initiatives retenues pour l'appel à projets sur les mesures compensatoires de la Ligne à grande vitesse Rhin-Rhône SNCF Réseau. Une belle après-midi d'échanges réunissant élus, partenaires et journalistes autour de notre travail.
Dans la presse
Pour revivre cette journée à la découverte des projets soutenus par l'appel à projets SNCF Réseau, écoutez le dernier épisode de l'émission "Les idées vertes", consacré entièrement à ces projets :
Ce projet est soutenu par SNCF Réseau, au titre du programme des mesures supplémentaires pour l'environnement.