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Renouées asiatiques : Expérimentation de compostage et de co-compostage à la ferme au sein du SYBERT - 2019

Vuillemenot M., 2019. Expérimentation de compostage et de co-compostage à la ferme de renouées asiatiques au sein du SYBERT. Conservatoire botanique national de Franche-Comté – Observatoire régional des Invertébrés, 21 p.+ annexes.

Contexte

D’après la réglementation, les résidus issus de l’enlèvement de végétaux (tontes de pelouses, tailles de haies et d’arbustes, d’élagage, de débroussaillement) sont assimilés à des déchets organiques et plus précisément à des déchets verts. Ces résidus de plantes peuvent entrer dans plusieurs filières de valorisation, afin de favoriser le retour au sol de ces matières organiques fertilisantes.

Au sein du réseau de déchetteries géré par le SYBERT (Syndicat mixte de Besançon et de sa région pour le traitement des déchets), deux systèmes coexistent actuellement pour gérer les déchets verts (provenant des collectivités, des particuliers et d’entreprises), selon les sites :

  • le dépôt en benne, suivi d’un transport et d’un traitement par un groupe privé spécialisé dans la production industrielle et contrôlée de compost, afin de le vendre.
  • Le dépôt en vrac sur des plateformes bétonnées, en déchetterie. Lorsque la capacité de stockage est atteinte, une entreprise spécialisée procède, sur place, au broyage des végétaux, puis elle les restitue à l’agriculteur local, également partenaire du SYBERT. Celui-ci les exporte et les dépose sur l’une de ces parcelles sous forme d’un andain (qualifiant ce procédé de compostage « en bout de champ », ou « à la ferme »), généralement en mélange avec des effluents d’élevage (qualifiant ce procédé de « co-compostage »). Des retournements mensuels sont effectués pendant les quatre premiers mois pour aérer le compost et accélérer le co-compostage. Le compost est ensuite laissé en maturation pendant deux mois environ. Après cela, une analyse chimique est réalisée en laboratoire, afin de révéler la maturité et la qualité du compost. L’agriculteur peut ensuite procéder à l’épandage et/ou l’enfouissement de ce compost sur ses sols (champs et prairies).

Cette deuxième filière présente l’avantage de privilégier un « circuit court » : les déchets verts sont valorisés à proximité de leur lieu de production, limitant ainsi les coûts et les nuisances du transport. Cependant, ce système, peut présenter, à différents niveaux, des risques, ou du moins susciter des inquiétudes, vis-à-vis des plantes exotiques envahissantes (invasives). En effet, parmi tous les déchets de végétaux recueillis par les déchetteries figurent parfois des plantes exotiques connues pour leur caractère envahissant dans les espaces anthropisés, voire semi-naturels.

Ces résidus peuvent provenir de la coupe et de la taille de la végétation plantée pour l’ornement dans les jardins et les espaces verts, mais aussi de l’entretien de la végétation se développant spontanément sur des talus routiers, des bords de cours d’eau et dans des espaces de friches par exemple.

Le co-compostage à la ferme est souvent perçu comme risqué quant à la dissémination de ces plantes (Vial, 2014 ; Sarat et al., 2015). La principale raison est la plus grande difficulté, en extérieur et de surcroît en plein champ, d’atteindre, pendant suffisamment de temps, les températures requises pour la dévitalisation des végétaux, et surtout pour parvenir à supprimer le pouvoir germinatif des graines. Dans une synthèse bibliographique, Debril (2005) rapporte que, globalement, les graines d’adventices ne sont plus viables au-delà de deux à quatre semaines minimum à des températures comprises entre 55°C et 65°C.

Néanmoins, il mentionne l’hétérogénéité des températures au sein des andains, faisant que des graines peuvent rester viables lorsqu’elles sont toujours restées dans des zones froides (strate externe), peut-être par manque de retournement ou de conditions climatiques défavorables. En complément, Debril (2005) et Fuchs et al. (2017) précisent que la température n’est toutefois pas l’unique facteur de neutralisation de la viabilité des graines. La production de molécules chimiques phytotoxiques et l’action des microorganismes pendant le compostage joueraient un rôle non négligeable.

Par ailleurs, le co-compostage à la ferme implique diverses étapes de stockage, de manipulation et de transport des déchets verts au plus près du terrain, ce qui peut faciliter la dissémination et le développement de boutures et de graines de plantes exotiques.

Afin de mieux mesurer ces risques, le SYBERT et le CBNFC-ORI se sont rapprochés en 2016 pour travailler sur cette thématique. A cette date, et plus récemment encore, la bibliographie disponible sur le sujet ne permettait pas de répondre à toutes les questions posées localement. En outre, les expériences existantes de compostage de renouées asiatiques (Reynoutria sp. pl.), par exemple, ne correspondaient jamais vraiment aux conditions réelles du co-compostage à la ferme comme le pratique le SYBERT (haute fréquence des retournements, atteinte de températures supérieures aux suivis courants du SYBERT, réalisation « sécurisée » sur des plateformes stabilisées/bétonnées, compostage industriel ventilé, incorporation de tiges et de rhizomes non broyés, etc.) (Dufrost, 2008 ; Gilles, 2012 ; Fuchs et al., 2017 ; Barthod & Boyer, 2017).

En 2017, une première étude (Poinsotte, 2017) a consisté à détecter la présence de plantes exotiques lors de toutes les étapes du parcours des déchets verts : dans des déchetteries du SYBERT, dans des andains de broyat de déchets verts et dans des parcelles agricoles soumises à de l’épandage de déchets verts co-compostés.

L’un des principaux enseignements de cette étude est que le co-compostage à la ferme, tel que pratiqué par le SYBERT, ne permet pas une hygiénisation complète du produit final, dans le sens où le pouvoir germinatif des graines compostées n’est pas neutralisé : de nombreuses plantes ornementales de jardin ont ainsi été observées sur les andains.

Ce résultat indiquait que ce co-compostage à la ferme ne peut, sûrement par nature, pas prétendre aux règles de l’art d’un compostage parfaitement maîtrisé, considéré comme sans risques de contamination et de reprise des végétaux (CPIE Monts du Pilat, 2011). Ces observations rejoignent les conclusions de Vial (2014).

Dans cette même étude, Poinsotte (2017) constate deux facteurs favorisant la germination de plantes exotiques ornementales sur les andains :

  • la durée de stockage : durant les six mois de fermentation et de maturation, pas ou très peu de plantes se développent sur les andains. C’est au-delà de cette période, et davantage encore au cours de l’été de l’année n+1 (voire de l’année n+2) que les andains non épandus se garnissent surtout d’espèces ornementales. Il s’agit probablement de graines toujours viables qui profitent, pour germer, de l’absence de perturbation durant cette nouvelle saison végétative (pas de retournement). Pour certaines espèces sujettes au besoin de vernalisation, le passage de l’hiver peut également avoir levé la dormance de leurs graines.
  • l’absence d’apport d’effluents d’élevage : ces derniers sont censés favoriser le processus de fermentation, et donc d’élévation de la température dans les andains, et améliorer la qualité du compost. Il arrive cependant que des agriculteurs ne disposent pas d’effluents. Dans ce cas, les andains, alors surtout composés de déchets verts ligneux, montent moins en température.

Dans ce contexte, il paraissait intéressant de prolonger l’étude en suivant le processus de compostage de déchets de plantes exotiques envahissantes particulièrement réputées pour leur capacité de survie de leurs parties végétatives coupées : les renouées asiatiques.

Dans sa conception, l’étude de 2017 ne permettait pas de répondre aux inquiétudes sur le devenir des résidus de ces dernières, puisque la composition des andains suivis était inconnue. C’est ainsi qu’une expérimentation de compostage de renouées a été conduite de juin 2018 à mai 2019. Ce test a été préparé au cours de plusieurs réunions de travail
entre les partenaires concernés (SYBERT, CBNFC- ORI, Chambre d’agriculture du Doubs, agriculteurs). L’objectif était d’inscrire ce test dans les conditions réelles du co-compostage à la ferme du SYBERT, avec les contraintes techniques et organisationnelles liées.

Le présent rapport décrit les conditions de réalisation de cet essai, discute des résultats et les confronte à d’autres études récentes sur le même thème. En conséquence, des propositions sont formulées quant à l’acceptation des résidus de renouées asiatiques sur les plateformes de déchets verts du SYBERT.

 

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